Ling Louen

La découverte d’une sorte de code commun à différents objets susceptibles d’émettre des sons, roseaux ou os plus ou moins percés, cornes de ruminants, cordes et peaux tendues ou troncs creux, a incité le chaman à poursuivre ses expériences, à y trouver d’autres intérêts, et même un certain plaisir, personnel et communicatif. Il a donc perfectionné et diffusé ses instruments devenus pêle-mêle accessoires de cérémonie, de chasse, de guerre ou même de fête.

Plusieurs milliers d’années plus tard, les mêmes causes provoquant les mêmes conséquences, de nombreuses civilisations avaient fait les mêmes découvertes, utilisaient des instruments du même genre et pour les mêmes usages, et commençaient à se poser des questions sur cette pratique. Car plus les sociétés humaines devenaient importantes, plus il paraissait nécessaire à leurs dirigeants d’unifier les rites et coutumes pour éviter d’éventuelles dissidences.

Ling-Louen et la Cloche Jaune

C’est ainsi qu’il y a presque 5000 ans, l’empereur chinois Houang-Ti nomma Ling Louen ministre de la musique et lui confia cette responsabilité. A la suite d’une péripétie impliquant le Royaume des morts, le Fleuve Jaune, des morceaux de bambous, des calculs mathématiques et les chants de deux phénix, mâle et femelle, il conçut le système des « lius » fait de 12 tubes sonores bouchés à une extrémité émettant des sons très semblables à ceux produits par les douze touches qui forment une gamme au milieu du clavier d’un piano d’aujourd’hui. Il donna au son du plus grand de ces tubes le nom de Huang-chung, la « Cloche Jaune », représentant le pouvoir, et aux autres lius des noms subalternes.

Les douze tubes de ce système formaient ce qu’on a appelé plus tard « le cycle des quintes » : A partir de la Cloche Jaune, dont la longueur était théoriquement fixe, chacun des tubes suivants avait pour longueur les 2/3 du précédent, ou parfois les 4/3 si le son produit devenait trop aigu pour être chanté. Et Ling Louen s’arrêta au 12ème tube, le 13ème produisant un son presque identique au premier. Ignorant cette très légère différence, Ling Louen et Houang-ti trouvèrent le système satisfaisant et validèrent l’une des premières théories de la musique, qui déjà, comme toutes celles qui l’ont suivie, n’hésitait pas à aménager la réalité scientifique de la vibration des corps sonores pour justifier l’origine forcément divine d’une organisation sonore d’une aussi parfaite rigueur.