Sapiens et le langage
Il y a 50000 ans, les tribus de chasseurs/cueilleurs avaient évidemment mis au point un mode de communication entre eux pour faciliter la vie en commun et améliorer l’efficacité de leurs tâches. Cette communication reposait sans doute sur un certain nombre de codes visuels et auditifs déjà très au point (les scientifiques estiment l’apparition de « protolangages » à plusieurs centaines de milliers d’années), transmis de générations en générations, mais compréhensibles par les seuls membres de la tribu, ce qui était pratique en cas de conflits avec une tribu concurrente. Et bien sûr, il pouvait s’avérer utile de comprendre justement les codes de la grotte voisine, pour collaborer ou pour déjouer les attaques.
Cette aptitude ainsi acquise à décrypter des codes visuels ou auditifs différents des siens, sapiens ne voyait pas pourquoi elle ne pourrait pas servir pour dialoguer avec d’autres espèces, comme les oiseaux ou les bisons, qui pourraient ainsi être capturés plus aisément. Il inventa donc l’appeau, pour attirer les oiseaux en imitant leur chant, avec un certain succès qui l’encouragea à essayer avec d’autres animaux moins dociles : La grotte des Trois-Frères, en Ariège, nous montre l’image d’un homme déguisé en bison et doté d’une sorte d’arc musical qui pourrait bien illustrer ce genre de tentative.

L’homme qui ainsi pouvait se vanter de discuter d’égal à égal avec les animaux se fit appeler chaman et envisagea d’élargir son pouvoir à d’autres types de dialogue, avec le vent, la pluie, le soleil, l’orage et autres manifestations naturelles dont les productions visuelles et sonores devaient certainement révéler des codes décryptables et significatifs. Et il en découvrit, ce qui donna à la production de sons divers une aura croissante qu’elle n’aurait pas eu si elle s’était limitée à la distraction et à la communication des humains.